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Augmenter la TVA pour relancer la croissance


Publié par Les Echos, 18 décembre 2020



Comment rembourser la dette accumulée pendant la crise sans tuer la reprise ? La solution la plus solide est de dynamiser durablement la croissance du produit intérieur brut (PIB). À niveau de prélèvements identiques, cela se fait en baissant les prélèvements obligatoires des entreprises et en relevant simultanément la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).


Une telle hausse marquera l'inflexion tant attendue vers une vraie politique de l'offre, seule à même de libérer notre potentiel de croissance. Comme souvent, c'est du nord de l'Europe que viennent les bonnes idées : le Danemark et la Suède, alors au bord de l'asphyxie économique, ont montré la voie dans les années 1990. Le Danemark a ainsi relevé de 5 points son taux de TVA (de 20 à 25 %) en diminuant les prélèvements obligatoires qui pesaient sur ses entreprises. Les résultats sont là, avec, pour ces pays, une véritable renaissance industrielle.


Les entreprises françaises subissent, par rapport à celles de nos voisins et partenaires commerciaux, un surcroît de prélèvements obligatoires (impôts sur les sociétés, impôts de production) qui nous situent au 36e rang sur 36 du classement établi par la Tax Foundation. Il en va de même pour la part employeur des charges sociales. En économie ouverte, ce n'est pas tenable. L'OCDE pointe par ailleurs la faiblesse de notre « TVA ratio », c'est-à-dire le taux réellement appliqué sur l'ensemble des biens et services, sachant que nous avons multiplié les taux réduits.


Une « dévaluation » sans inconvénients

Avec un tel modèle, nous subventionnons la demande sur le dos du système productif. Le maintien en France de taux plus bas de TVA et de prélèvements obligatoires élevés sur les entreprises a comme effet de subventionner les producteurs étrangers.


Une hausse de TVA renchérirait les prix publics de leurs produits ou les amènerait à réduire leur marge. On cesserait donc d'offrir aux producteurs étrangers un effet de « passager clandestin », puisqu'ils paient chez eux, aujourd'hui, beaucoup moins d'impôts sur le prix de revient que ceux que nous payons en France et se voient par contre offrir le consommateur français sans droit de douane, tout en profitant du même taux bas de TVA.


Une bascule vers la TVA nous offrirait donc les effets d'une dévaluation, sans ses inconvénients ; et à ceux qui pointeraient qu'une telle politique serait peu coopérative, il faut rappeler qu'une telle dévaluation interne, nous serions simplement les derniers à la mener en Europe. Il s'agirait simplement de permettre aux producteurs français de se battre à armes égales avec leurs concurrents étrangers.


Une folie ?

Mais, objectera-t-on, relever la TVA maintenant, ne serait-ce pas une folie ? Deux objections peuvent se présenter. La première, ce sont les commerces. Durement éprouvés par la crise, ils seraient affectés par une hausse de la TVA. Commençons par rappeler qu'ils seront concernés, eux aussi, par la baisse des prélèvements obligatoires sur les entreprises.


Deuxième objection, les ménages les plus modestes subiraient plus que d'autres les effets de la hausse. C'est une idée reçue, qui ne résiste guère à l'analyse. Tout d'abord, les taux réduits, sur lesquels pourrait se concentrer une bonne partie de la hausse, portent surtout sur des services et des biens dont les gros consommateurs sont les ménages plus favorisés. Par ailleurs, de nombreux travaux montrent qu'une hausse de TVA n'impacte que partiellement les prix des biens de consommation : c'est ce qu'on appelle le « passing through », dont les effets s'ajouteraient aux effets déflationnistes de la baisse des prélèvements obligatoires des entreprises.

La France a une occasion historique de rejoindre les 'pays phénix'.

Enfin, les plus pauvres sont les premières victimes du sous-emploi et d'un chômage de masse qui dépasse de loin le chiffre officiel de 8,3 % au début 2020. Ils seront aussi, en emploi et en conditions d'emploi (salaire, opportunités, fin du temps partiel contraint qui relève de l'exploitation), les premiers bénéficiaires d'une politique de l'offre. Conclusion : montons nos taux de TVA et baissons les impôts et charges qui grèvent nos prix de revient. La France a une occasion historique de rejoindre les « pays phénix ». Ne la manquons pas.

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