Résumé
Sortir de l'ornière
Présentation de l'éditeur
Danemark, Finlande, Suède, Norvège, Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Irlande, Nouvelle-Zélande et Australie, tous ces pays autrefois en crise aigüe de compétitivité sont aujourd’hui plus prospères que le nôtre. Pourquoi ? Et pouvons-nous suivre leur exemple ?
Ce livre offre une contribution originale et solidement étayée au débat sur le déclin économique de la France, avec une analyse serrée de l’impact des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises.
Industriel et désormais investisseur, l’auteur puise dans son expérience de chef d’entreprise pour expliquer très concrètement ce que signifient ces impôts dans un compte d’exploitation, en procédant à une comparaison éclairante avec l’Allemagne. Il plaide aussi pour une vision intégrée, ramenant dans ce champ la part entreprise des charges sociales dont le coût relatif a crû considérablement au fil des années.
Mais il conduit aussi une analyse macroéconomique qui déborde largement les frontières de l’entreprise.
En rappelant, d’abord, que cette situation procède de choix politiques dont les plus anciens remontent à 1974, et qui, par-delà le clivage gauche-droite, ont comme matrice de privilégier la consommation.
En montrant, ensuite, comment d’autres pays occidentaux, confrontés aux mêmes erreurs et aux mêmes impasses, ont su trouver la voie d’une réinvention de leur modèle social et fiscal. Ces « pays phénix » ont opté courageusement pour une politique de l’offre (baisse des prélèvements obligatoires frappant les entreprises, hausse de la TVA…) dont les principaux bénéficiaires sont in fine leurs citoyens. En termes d’emploi, de croissance, de richesse par habitant, mais aussi de poids des impôts et de qualité de la protection sociale, ces pays font désormais mieux que nous, et leurs citoyens s’en trouvent bien.
Le déclin industriel et économique de notre pays est une réalité, mais pas une fatalité. En identifiant ses racines, en s’inspirant des pays phénix qui ont montré la voie, et surtout en sortant des demi-mesures, il est possible de sortir de l’ornière. Henri Lagarde lance ici un appel au courage politique. Mais il montre aussi que des décisions fortes peuvent produire des effets très rapidement : un à cinq ans. Il rappelle enfin que ces choix collectifs peuvent et doivent être portés par la nation tout entière. C’est de notre avenir qu’il s’agit, et cet avenir est à portée de main.
La France va mal. Qu’il s’agisse de chômage, de prélèvements obligatoires, de commerce extérieur ou de dette publique, notre pays affiche des résultats économiques parmi les plus mauvais en Europe et dans les pays de l’OCDE.
La crise du Covid 19 risque fort d’aggraver notre tendance au déclin économique, en portant l’endettement public à plus de 120 % du PIB fin 2020, en réduisant la croissance, et en déclenchant des milliers de faillites et de chômeurs additionnels.
Or notre appareil productif est déjà fragile. L’industrie en particulier, et désormais l’agriculture et le commerce, sont dans un état d’extrême faiblesse. À l’exception notable de quelques dizaines de grandes entreprises solidement implantées à l’international, qui disposent en conséquence d’une bonne capacité d’optimisation financière et fiscale, et de celles disposant d’un monopole mondial, le tissu économique est structurellement affaibli.
Cette fragilité a une cause principale. Mille raisons ont été invoquées pour expliquer cet état de fait : seuils sociaux, écrasement de la sous-traitance par les grands donneurs d’ordre, rareté de l’esprit d’entreprise, préférences toujours plus marquées des diplômés pour les grandes firmes au détriment des petites… mais la vérité est que ces différents facteurs n’entrent en jeu que parce que depuis plusieurs décennies les entreprises font les frais, littéralement, d’une politique économique dont l’alpha et l’oméga sont le soutien à la demande.
Le soutien à la demande est une constante de notre politique économique depuis quarante-cinq ans. Les timides efforts pour redéployer une « politique de l’offre », depuis 2014 (CICE) ne font, comme le CIR créé en 1983, que corriger à la marge, et souvent surtout en apparence seulement, cette tendance de fond. Quarante-cinq ans qui ont vu notre pays, jadis caracolant en tête de tous les classements au début des années 1970, perdre sans cesse du terrain : la compétitivité d’abord, l’emploi, le commerce extérieur, les finances publiques, tous ces indicateurs nous ont vu glisser d’une position enviable, à celle, peu glorieuse, de mauvais élève de la classe européenne et mondiale.
Le choix de privilégier la demande s’est fait au détriment de politiques tournées vers l’amélioration de la compétitivité des entreprises. En gestation dès les années 1944-1945 dans le contexte particulier de l’après-guerre et amplifiés, ce choix a été amplifié en 1974 avec l’idée d’une relance par la consommation, et en 1981, puis en 1998-2000 lors du passage aux 35 heures.
Dans une mondialisation où les écarts de compétitivité sont cruciaux, il a eu des conséquences dramatiques. La France a l’une des politiques sociales les plus généreuses au monde. C’est un choix collectif qui en soi n’est pas un problème. Mais ce qui est problématique, dans un contexte de concurrence internationale, c’est son mode de financement, avec des ponctions croissantes sur les ressources des entreprises.
Les conséquences sont devant nos yeux. Elles s’appellent désindustrialisation (la part de l’industrie est passée en quarante-cinq ans de 23,5 à 9,3 % du PIB), chute des marges de nos entreprises, manque de compétitivité, croissance en berne, manque d’investissement, perte de compétitivité, balance commerciale durablement déséquilibrée…
La France a en effet détruit méthodiquement son tissu industriel. Accablées par des prélèvements obligatoires parmi les plus élevés des pays de l’OCDE, et qui ne se limitent pas à l’impôt sur les sociétés (IS) mais incluent également les cotisations sociales part entreprises et une vingtaine de taxes locales, nombre d’entreprises, notamment des PME/PMI et des ETI, n’ont eu d’autre choix que de mettre la clé sous la porte. Celles qui ont survécu n’ont souvent pu le faire qu’en baissant la qualité de leurs production pour réduire leurs coûts, ou en interdisant toute croissance vers le haut de gamme, accentuant encore le recul de nos positions sur les marchés et donc le déséquilibre de notre commerce extérieur. Seules les multinationales, qui échappent largement à la fiscalité française, et les entreprises bénéficiant de monopoles ou d’oligopoles mondiaux (créneaux industriels très spécifiques : luxe, aéronautique, champagnes et cognacs…) ont échappé à ce piège mortel.
Fruit de politiques publiques erronées, cette désindustrialisation massive et sans équivalent dans l’OCDE a enfermé la France dans un dramatique cercle vicieux. Elle a entraîné le chômage de masse, la désertification de zones entières, l’affaiblissement des villes moyennes, l’explosion des dépenses sociales pour prendre en charge le nombre croissant des exclus du marché du travail, l’augmentation continuelle des impôts pour compenser la perte de richesses provoquée par la désindustrialisation, l’explosion des dettes publiques pour boucler des « fins de mois » de plus en plus difficiles. Elle a également dégradé la prospérité et le niveau de vie des Français, et plus profondément leur confiance en l’avenir.
Cette spirale infernale a provoqué par contrecoup une défiance généralisée envers les élites, qu’elles soient politiques, économiques ou syndicales. Le mouvement des « Gilets jaunes » et le large soutien dont il a bénéficié dans l’opinion attestent, s’il en était besoin, la réalité et de profondeur de cette défiance.
La France va mal, mais il n’y a pas de fatalité du déclin. Après avoir effectué un constat sévère mais réaliste de l’état de notre pays, ce livre propose un certain nombre de réformes pour sortir enfin de cette spirale de l’échec.
Ces réformes ne représentent pas un saut dans l’inconnu, ou un pari idéologique, mais le fruit de l’expérience. Elles ont en effet été mises en œuvre, dans une dizaine de « pays phénix », en Europe et ailleurs : des pays resurgis de leurs cendres industrielles, alors que leurs économies étaient dans un état grave.
Elles pourraient constituer les fondements d’un « Agenda 2030 » à l'image de l’« Agenda 2010 », mis en œuvre avec succès en Allemagne par Gerhard Schröder et Peter Hartz au début des années 2000, et dont nos voisins récoltent les fruits depuis bientôt quinze ans avec le succès que l’on sait..
Ces dix « pays phénix » ont suivi des itinéraires variés. Car du Danemark à la Nouvelle-Zélande, en passant par la Suède et les Pays-Bas, ils ne sont pas uniformes, ni dans leur histoire, ni dans leur culture. Certains ont fait des choix que l’on pourrait qualifier de néo-libéraux, mais la plupart tous ont conservé de hautes ambitions en termes de modèle social, et les inégalités n’y ont pas explosé. Ce qu’ils ont en commun, c’est d’avoir, dès les années 1980 pour les plus précoces, dix ou vingt ans plus tard pour les autres, remis au centre du jeu la question de leur prospérité économique, en assurant à leurs entreprises des conditions favorables pour se développer alors qu’elles étaient, dans la majorité de ces pays, en crise aigüe.
Tous ces pays ont mis en œuvre une politique de l’offre, qui bénéficie aujourd’hui à tous leurs citoyens. C’est en renouant durablement avec une croissance saine de leurs « producteurs de richesses » qu’ils ont assuré la pérennité de leur modèle social, et offert un avenir à leurs citoyens.
Il n’est jamais trop tard. La France peut s’inspirer de ces pays. Des efforts ont été faits depuis une quinzaine d’années sur des questions parfois très sensibles comme la rigidité du marché du travail, et ces réformes d’abord contestées ont porté leurs fruits, sur le front de l’emploi notamment.
Mais la mère de toutes les réformes, c’est la fiscalité. Pour en finir avec le déclin économique, il faut une réforme ambitieuse de la fiscalité pesant sur l’appareil productif.
C’est une vision globale et synthétique qui est proposée ici, et non plus une vision granulaire des réformes fiscales (diminuer tel ou tel impôt pour en augmenter discrètement trois autres) qui est proposée ici : comment restaurer l’égalité globale de compétitivité de nos entreprises, avec celles, notamment, des pays phénix.
L’enjeu est d’inverser l’orientation générale de nos politiques économiques. Les réformes proposées dans ce livre entendent en effet tourner le dos aux politiques de relance par la consommation, poursuivies sans succès depuis plus de quarante-cinq ans, et mettre en œuvre une politique de l’offre donnant la priorité aux entreprises et à l’amélioration de leur compétitivité. C’est le seul moyen de reconstituer progressivement le tissu industriel de la France, et le climat de confiance sociale qui est sévèrement dégradé. Tout ceci n’est ni de gauche, ni de droite, c’est simplement la vérité.
Ces réformes ont un pilier principal : une baisse significative de l’ensemble des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises. Les cotisations sociales part entreprise, les taxes sur la production, et l’impôt sur les sociétés (IS) doivent être ramenés à 15 % de la masse salariale pour le premier et 15 % du résultat courant avant impôts pour les deux autres.
Le financement de ces réformes sera rendu possible au moyen de trois leviers, comme cela a été le cas dans l’ensemble des pays phénix.
Le premier est une redistribution interne, avec la suppression de l’ensemble des niches fiscales bénéficiant aux entreprises, niches bien excessives et par ailleurs illogiques car elles conduisent à des distorsions significatives au profit des plus grosses, qui ont les moyens techniques et juridiques d’en profiter quand les petites les subissent de plein fouet.
Le second est la réduction des dépenses publiques partout où c’est possible.
Mais surtout, le troisième est une hausse progressive de la TVA. C’est un outil majeur de la politique fiscale de tous les pays phénix. Il est simple, efficace, présente un excellent rendement et la dématérialisation rapide des moyens de paiement permet d’écarter les risques de fraude qui ont été longtemps associés à une hausse des taux. La hausse du produit total de la TVA passerait aussi par la fin programmée (et éventuellement progressive, par tranches de quelques pourcents) des exemptions dont bénéficient indûment certains secteurs peu exposés à la concurrence internationale.
L’assiette très large de la TVA rend une hausse de quelques points presque indolore pour les ménages. Et si l’on sait qu’une hausse pèse davantage sur les ménages les plus modestes, qui consomment la totalité de leur revenu, des correctifs peuvent être aisément apportés en d’autres domaines, afin de rendre soutenable cette mesure indispensable. Le Danemark et la Nouvelle-Zélande, pays éminemment égalitaires, ont par exemple appliqué, avec un plein succès, même pour l’alimentation, le taux maximal de 25 %.
Elle peut nous coûter un ou deux points de croissance en année 1 ou 2, mais l’exemple des pays phénix montre que c’est un effet peu durable, car les effets de la politique de l’offre prennent très vite le relais, ne serait-ce qu’à travers la baisse sensible des prix de revient des producteurs français.
Il faut parier sur l’intelligence collective de nos compatriotes, et non plus servir leurs intérêts apparents, notamment de court terme. Les pays phénix en apportent l’éclatante démonstration, les ménages s’y retrouveront. Avec la hausse de la TVA ils subiront une fiscalisation plus intense de leurs dépenses (mais non de leurs revenus, et la distinction n’est pas indifférente). Mais ils bénéficieront en retour d’un environnement économique plus porteur : un appareil productif plus robuste, ce sont aussi de meilleures perspectives d’emploi, de rémunération, et de carrière ; c’est donc, incidemment, un moindre coût pour certains postes de la protection sociale, à commencer par les financements divers de l’assurance chômage. Plus largement, c’est une richesse nationale qui croît à nouveau plus rapidement, et donc une base fiscale qui s’élargit. Le ratio de nos prélèvements obligatoires, y compris ceux pesant sur les ménages, peut alors baisser aussi.
Il s’agit bien d’un nouveau contrat social, un contrat gagnant-gagnant.
Nos concitoyens ne sont pas que des consommateurs. Ce sont aussi et surtout des travailleurs, ou plutôt des parties prenantes au sein de chaque entreprise : il faut savoir proposer un nouvel échange aux salariés. Les réformes proposées dans ce livre seront donc favorables, in fine, au monde du travail. Correctement expliquées, il n’y a aucune raison qu’elles suscitent des oppositions insurmontables.
L’auteur s’appuie ici sur de très fortes convictions quant aux vertus de la participation et de l’intéressement et à la capacité des Français de comprendre ce qui leur est proposé. Ces convictions, il les a forgées dans son expérience de chef d’entreprise : témoignage de première main, les histoires industrielles offertes ici, en contrepoint de celles des pays phénix, suivent la même logique : des situations initialement bloquées, un dialogue social mené avec intelligence et respect des autres, de la confiance, et des succès économiques dont tous, salariés au premier chef, peuvent se féliciter.
Une authentique vision sociale nourrit ces pages. Tout comme il souhaite en finir avec la réduction du citoyen au simple électeur-consommateur, l’auteur montre qu’on peut tabler sur l’esprit de responsabilité et les envies d’avenir des salariés et de leurs représentants. Il est possible d’en finir avec les conflits sociaux stériles qui empoisonnent depuis des années la vie des entreprises françaises, en associant beaucoup plus largement les représentants des salariés à l’information, et même à la définition de leur stratégie d’entreprise (avec toutefois une voix à droit de vote double, attribuée au président de l’entreprise). Là encore, ce « donnant-donnant », qu’il a pratiqué en France et qui a fait ses preuves, en Allemagne et ailleurs, est à portée de la main.
Toutes ces réformes ont été menées avec succès par un certain nombre de pays en Europe et dans le monde. Elles ne sont pas une vue de l’esprit. Et il ne faudrait pas croire que ces « pays phénix » ont tous la même culture : certains sont égalitaires, d’autre pas, certains sont libéraux, d’autres attachés à la régulation. Ce qu’ils ont en commun, c’est d’avoir connu, à un moment ou à un autre de leur histoire, une situation économique aussi critique que celle de la France d’aujourd’hui. Ils sont parvenus à s’en sortir, en mettant en œuvre une véritable politique de l’offre fondée sur une baisse massive des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises, une hausse progressive de la TVA, et une ambitieuse réforme de l’État.
Aujourd’hui, ces pays figurent parmi les plus prospères au monde. Leur démocratie y est plus apaisée et la prospérité de leurs habitants plus élevée qu’en France. Pourquoi ce qui a marché en Europe et dans le monde, dans des pays si différents les uns des autres, ne serait-il pas possible en France ?